Photocomposition, cf.
Chants de femmes,
Olivier Films VHS |
|
Moi les mots je les ai
mangés
oh quelle étrange peine
ce jeu si léger
moi les mots je les ai
loués
et cloué sur ma porte
la clé retrouvée
Mots
émois
de mort et d’amour
pour ce peuple qui doute
mais qui veille en
retour
Philippe Forcioli, in CD
Homme de boue,
Moi, les mots,
2001,
Le chant du monde
|
La
chanson française est
actuellement - chose neuve dans
le paysage musical ambiant -
l’objet de débats portés à
l’intérêt d’un grand public :
récente table ronde sur antenne
2,
récents articles dans les pages
culturelles du journal Le
Monde…
On peut seulement s’en
satisfaire, en voyant là le
simple signe d’un gain bien
mérité de reconnaissance et pour
un art qui fut si longtemps
intellectuellement dévalué et
pour la référence à une identité
nationale, historique qu’il est
pourtant politiquement correct
et prudent de passer sous
silence. On peut au contraire
examiner tout ce bruit, cet
effort de visibilité dans
lesquels s’insère d’ailleurs
latéralement, l’actuelle
publicité autour du film « La
môme »,
consacrant la monumentalité de
Piaf, comme des simulacres
d’effervescence dont les
véritables enjeux restent à
décrypter en termes de conflits
sociétaux, autrement dit
engageant de façon décisive et
les institutions et les
collectifs et les personnes, au
sujet de la désubstantialisation
de la culture, et de l’art,
cette vibration subjective des
sociétés.
Topiques
Je commencerai de façon abrupte,
en énonçant l’axiomatique de mes
propos relatifs à ce thème de la
chanson française. Au risque
d’exposer, de m’exposer donc,
sans prendre tout le temps
nécessaire à l’argumentation,
voici d’abord livrés en quelques
propositions, les cadres
perceptifs, interprétatifs de
mon élaboration :
• 1°) Il existe une
individualité expressive de la
chanson française dont les
ressources symboliques sont
liées à deux traits
fondamentaux : d’une part, la
place tenue par la littérature
dans ce pays, dans la formation
de son identité nationale et
d’autre part le rapprochement
historiquement tissé, longtemps
maintenu entre mobilisations
populaires et médium de la
parole chantée. Ces deux traits
qui ne sont pas organiquement
liés, ne s’opposent pas non plus
systématiquement comme en une
structure bipolaire mais
entretiennent entre eux des
rapports dynamiques, ambivalents
de contiguïté et de tension.
• 2°) Qu’elle soit de facture
plus circonstanciée ou plus
poétique, la chanson française
s’apprécie à l’aune d’une
prééminence affirmée d’un phrasé
de la signification,
sur les dimensions mélodiques et
rythmiques. Elle est un chanter
pour dire, tantôt le sens
partagé de l’événement, tantôt
les mots de l’indicible
affrontant la censure des
conventions, suggérant l’énigme
des sentiments, des silences. La
question de la langue des
chansons que soulève
immédiatement le syntagme de
« chanson française », se trouve
donc posée de façon
particulièrement aigue au regard
d’une signature chansonnière qui
met en avant l’image sémantique
de son message enchanté.
• 3°) Dans un univers de
musiques amplifiées plus
mondialisées que populaires, où
la part langagière (dite
lyrics !) des répertoires
est nécessairement réduite,
l’horizon général d’attentes
d’une réflexivité
des chansons est en France,
suffisamment fort pour que l’on
puisse parler, pour la période
contemporaine, à côté des
performances de strict
entertainement, d’une sorte
de division du travail (du
marché ?) sémantique de la
parole chantée dégageant
distinctement trois mondes :
-
celui de la chanson française à
vocation classique ou
surannée, c’est selon, de
transmission d’une mémoire et de
réactivation d’attachements
culturels;
- celui de la dite nouvelle
scène française à tonalité
proche des thèmes de la post ou
de la néo modernité ;
- celui du raps’auto
désignant comme conscient,
tourné résolument sur une
actualité de la révolte,
elle-même largement ethnicisée.
• 4°) La notion de « Chanson
Française » est aussi une
catégorie esthétique. Cette
notion porte la marque d’un
idéal de sublimation de la
chanson jusqu’à la dignité,
jusqu’à l’éclat d’une poésie
orale, entendue comme forme
courante et populaire du poème
toujours incarné en un lieu, une
silhouette, une voix. Cette
recherche de stylisation se rode
à l’aube du 20°Siècle, connaît
son âge d’or dans l’après
seconde guerre mondiale ;
période durant laquelle une
sorte d’exception française de
la chanson se confirme jusque
dans les années soixante.
Au-delà mais aussi à travers
des interprètes-phares comme
Edith Piaf, Yves Montand, à
travers des auteurs compositeurs
comme Charles Trenet d’abord,
puis Jacques Brel
ou Léo Ferré ou Juliette Gréco,
la chanson française accède au
statut d’un universel qui
désormais, n’a plus vraiment
d’existence dans l’espace
mondialisé et morcelé des
productions musicales. Ce qui
n’empêche pas nombre de
chanteurs singuliers, plus ou
moins connus, méconnus, oubliés,
commercialement, médiatiquement
vaincus d’en poursuivre la
fiction ou l’odyssée.
Je pense à des chanteurs,
auteurs compositeurs comme
Claudio Zareti, prix de la
chanson française en 1983, dont
le récent CD je sais d’où je
viens,
est distribué à la FNAC, se rôde
dans de nouveaux cafés-concerts
mais se fait surtout un succès
discret via le bouche à
oreille. Je pense aux chanteurs
auteurs compositeurs produits et
distribués par le Chant du
monde … à ceux qui le furent
Jean Max Brua,
Jacques Bertin …
à ceux qui le sont encore
actuellement Philippe Forcioli,
Gérard Pierron
qui nous fit redécouvrir Gaston
Couté.
• 5°) La notion de « chanson
française » liant une forme et
une langue est actuellement
passée de la « religion » d’une
catégorie esthétique à la
logique pragmatique du label.
On peut, pour suggérer cela, ne
prendre qu’un premier indice,
celui des distributions par
étiquetages dans les bacs. Les
estampilles de « chansons de
variétés » et « chansons
françaises » fluctuent pour un
même interprète ou un même
compositeur à quelques années de
distance.
Ce déplacement de désignation et
donc celui de symbole attaché à
un répertoire, enregistre et
signale à la fois le degré de
patrimonialisation auquel ce
dernier est parvenu, ou tend à
parvenir. A l’empreinte d’un
style tend ainsi à se substituer
l’empreinte de la durée, donnant
alors à cette dénomination,
l’allure toujours un peu glacée
d’un temps retrouvé.
Angoisse du temps dans le
kaléidoscope des modes qui
mènent le monde de la
marchandise. Angoisse de
l’identité dans les
indifférenciations prescrites –
l’art et la culture étant
devenus plus que jamais de
véritables opérateurs
idéologiques d’uniformisation.
La relance soudaine,
ostentatoire de la chanson
française,
y sonne faux ; Elle sonne aussi
comme la tentative un peu vaine
de réenchantement d’un univers
socialement désenchanté.
Je vais donc maintenant appuyer
ces propositions, condensant
certains noyaux de ma réflexion
sur la chanson de langue
française, par quelques
arguments, en suivant l’ordre
d’exposition énoncé. J’ajouterai
que ces fragments de synthèses
réflexives (inévitablement trop
généralisantes, trop
surplombantes) se sont cependant
construites au fil de… autour
de… à partir de… travaux
d’enquête, de recherche de type
ethnologique, anthropologique,
axiologique aussi (!)sur
la chanson dite réaliste ou
néoréaliste des années 1920 à
1950, ainsi que sur les
interprètes essentiellement
féminines qui se firent les
actrices, les scénographes, les
voix d’un tel répertoire, au
contour instable, si instable
qu’il m’a menée, en commençant
par Berthe Sylva, Fréhel, Damia,
Piaf (la passeuse entre
les générations)
vers d’autres femmes en noir
(Barbara, Catherine Ribeiro, un
peu Gréco, à travers son récital
à l’Olympia en 2004, notamment)
qui sont désormais entrées dans
l’orbite, la danse de mon
questionnement.
Texo
Des chansons de
geste pour la guerre, des
chansons de toile pour l’amour,
les unes et les autres parées de
l’imaginaire chevaleresque mais
portées par la tradition orale
ou la performance des jongleurs,
et cela, en langue vulgaire
d’ancien ou de moyen
français … le tissage entre
histoire littéraire et terreau
populaire vient de loin, comme
le dit la Chanson de
Roland longtemps rattachée,
via les manuels scolaires, à une
épopée nationale préférant les
vers à la prose.
La musique et la poésie, étant
intrinsèquement et
historiquement liées, la chanson
est bien la scène paradigmatique
de cette rencontre ; elle exalte
la vitalité d’un tel
entrelacement pour propager
l’événement, pour honorer en
chœur, sur les champs de foire,
les lieux de pèlerinage et bien
sûr dans les cours
seigneuriales, ce qui vaut : les
exploits accomplis, les héros,
le passé, le rêve inaccompli.
Dans ce contexte de
retentissement collectif de
l’art de fere chançon,
ce sont déjà les catégories bien
connues de la romance, de la
complainte, de la ballade, du
rondeau devenu ronde,
qui se fixent et dont le lexique
de la chanson gardera l’écho
toujours vif jusqu’au milieu du
vingtième siècle du moins. Ce
sont des formes, celles du récit
personnifié, d’une narration à
strophes
et épisodes, celles de l’effet
de refrain, plus généralement
celles des effets de symétrie et
de répétition qui s’instituent
et dont le langage de la
chanson, genre si favorable au
mélange des temps, conserve
encore innocemment les racines,
les archétypes susceptibles de
tout emploi dérivé et variation
sans fin.
La rupture entre la musique non
verbale et la lettre rimée du
poème est l’histoire d’un lent
et douloureux divorce. Cette
enjambée dans la civilisation
des lettres et dans la
civilisation tout court, qui
commence à la fin du quinzième
siècle,
et se parachève avec le
mouvement romantique (on connaît
la phrase fameuse de Victor
Hugo interdisant que l’on dépose
de la musique le long de ses
vers), fera et le bonheur et le
malheur de la chanson. Malheur
puisque ce retrait ascétique de
toute musicalité du poème dans
la voix interne du verbe va
faire basculer la chanson, art
premier en bien des sens, vers
le purgatoire d’un art mineur.
Bonheur puisque l’indépendance
acquise des musiciens et des
poètes coïncide avec la
naissance d’une chanson
populaire, œuvre d’amateurs ou
de demi- lettrés, auteurs de
l’air et auteurs des parolesmais
puisant au fond mélodique des
complaintes, des romances
courtoises, des pastourelles et
se tournant vers d’autres
publics, d’autres relayeurs,
d’autres créateurs spontanés de
chansons, ceux de la France
rurale, artisanale, commerçante,
roturière d’alors. Au titre de
ces chansons anonymes de longue
vie, devenues bien immémorial,
devenues blason culturel commun,
pensons à l’émouvante chanson du
Roi Renaud,
complainte à verser au corpus
d’un centre national du
patrimoine chanté que
d’aucuns
appellent de leur vœu, mais en
vain…
Il reste que depuis le clivage
social et esthétique
s’instaurant entre voix incarnée
des chansons et voix graphique
des poèmes, les deux univers de
la chanson et de la littérature
ne cessèrent d’entretenir des
rapports ambivalents, nourris
d’attrait et de répulsion. Du
premier Empire à la première
guerre mondiale, quelques
exemples de ces tensions :
- Les chansons de Pierre-Jean
Béranger, barde engagé contre
les Bourbons sont colportées
dans les ateliers, dans les
campagnes, au cabaret, dans la
guinguette ;
il est consacré quasi
officiellement comme poète
national. Pourtant celui-là même
dont la popularité touche
l’Europe, la Russie, tout le
monde francophile et
francophone, celui-là même dont
la célébrité, atteint selon
Claude Duneton, un niveau
équivalent à celle d’un Elvis
Presley, à celle des Beatles,
sera fortement décrié par
Gustave Flaubert déclarant que
Béranger est le bouilli de
la poésie moderne, car tout le
monde peut en manger et trouve
çà bon.
- Tout occupé au lyrisme
sublimé du langage, les
prosateurs et poètes romantiques
tels Georges Sand, Gérard de
Nerval redécouvrent pourtant le
répertoire des chansons
traditionnelles.
- Baudelaire s’émeut au Chant
de Ouvriers (1847) de Pierre
Dupont, se déclare ébloui par
cette poésie forte et vraie
de la multitude ouvrière,
puisée dans le fond commun du
savoir humain. Mais après la
répression sanglante de 48, il
se ravise ; il écrit que ce
n’est point l’or que des paroles
dorées, qu’il ne vit pas
de poésie historique mais de
pain.
- Le mouvement réaliste en
peinture, en littérature (1857),
définit un art en quête
d’authenticité, de révolte
sociale, en rupture d’idéaux
classiques et romantiques.
L’esthétique chansonnière en
traduira, en poursuivra à sa
façon, plus directe, plus rapide
et l’élan et les thèmes. C’est
Gaston Couté (1880-1911) voix
paysanne qui donne tournure
poétique à une chanson tout à la
fois personnelle et réaliste.
C’est Jules Jouy
(1855-1897) travaillant d’abord
avec son père marchand d’abats,
mais aussi passionné de lecture
et d’écriture, qui va finalement
dans une veine réaliste
virulente dominer la chanson du
dix-neuvième siècle sans
nullement excepté Béranger le
prestigieux, précise Jacques
Ferny, historien de la chanson.
C’est d’ailleurs ce même Louis
Jules Jouy,
chantre de la première heure des
cabarets montmartrois, celui
dont Maurice Donnay écrit qu’il
avait fait dans la chanson
une révolution analogue à celle
que les naturalistes et les
impressionnistes avaient fait
dans le roman et la peinture,
qui est publié par Alphonse
Allais et qui présente Aristide
Bruant au Chat noir. Bruant
(1851-1925) est admirateur de
Zola, il construit son succès
dans le sillage de ce style
naturaliste qu’il prend bien
soin d’édulcorer. Toutefois,
considéré comme chansonnier, il
eut bien des difficultés à
intégrer la société des gens de
lettres, alors que Béranger une
cinquantaine d’années auparavant
avait, à plusieurs reprises,
refusé l’entrée à l’Académie
Française.
Tous ces chassées croisés entre
monde de la chanson et monde des
lettres demanderaient à être
regardés de plus près - la
période de l’entre deux guerres
et de l’après seconde guerre
mondiale sera au vingtième
siècle est très éclairante de ce
point de vue - puisque leurs
tissures conflictuelles se
réalisent en un pays qui fit de
l’institution littéraire, son
salut ; qu’elles se réalisent en
une France où le pouvoir d’Etat
s’est depuis longtemps et très
directement mêlé à la vie des
Lettres, celles des écrivains,
celles des oeuvres jusqu’au
point d’en faire dans et hors
frontière, la scène de son
identité et de sa grandeur.
Souveraineté nationale, espace
littéraire, espace politique,
représentation du peuple vont de
pair dans cette histoire
apparemment futile de poésie, de
musique et de langue
qu’est l’histoire chansonnière.
L’engagement des
mots
Dans la seconde
topique proposée, j’avançais le
fait que la chanson française
était marquée par une
prééminence de la signification
et qu’elle avait pour signature
propre de mettre en avant cette
image sémantique de son message
musical. J’argumenterai ceci en
trois temps :
- La chanson en France comme
partie intégrante d’un savoir
questionner le monde.
- La chanson comme régénération
profonde en sa langue
maternelle.
- Le syntagme de « chanson
française » comme notion
réactive, rétroactive
problématique.
Être dans son chant à la
recherche du mystère, du charme
et du tragique,
cette proposition de Jacques
Bertin en ses derniers écrits,
pourrait bien de façon
elliptique, résumer l’essentiel.
En effet, comment mieux suggérer
que si la chanson participe de
la culture, elle participe
d’abord à son pouvoir
architecturé de symbolisation,
qu’elle participe à cette
écriture instituée de la raison,
de la sensibilité humaine
faisant que ce monde nous
parle, qu’il nous advient comme
message dans une relation
ouverte
à la réflexivité. Réflexivité
inquiète qui va toujours vers
l’énigmatisation
des choses et des êtres,
puisqu’ils ne seront jamais
saisis qu’à travers le prisme
superbement cohérent, mais aussi
superbement séparateur du
langage. C’est sur cette
aventure cruciale de la langue,
du recours perplexe à la langue,
sur cette aventure de la
consolation musicale des mots
balançant entre esthétisation et
vérité du monde, que s’ouvre la
chanson…
Reprenant l’examen du lien
chanson et lettres, que peut-on
comprendre ?
Si le style est
bien la pierre de touche de la
croyance littéraire,
si les nombreuses querelles des
gens de lettres - anciens
contre modernes, romantiques
contre néo-classiques,
idéalistes contre naturalistes-
apparaissent comme préoccupation
exacerbée de la forme,
si les différents régimes et
autorités politiques se
succédant, veillèrent
scrupuleusement et généreusement
au bon ordre du bien dire, il n’
y eut jamais en France
d’absolutisation de l’illusion
textuelle. Sans entrer dans les
détails de cette histoire
littéraire nationale, il semble
que la question du réel, posée
en termes de critique de moeurs,
de description ou satire sociale
parvienne toujours à y excéder
les seules questions du verbe.
Peut-être peut-on y déceler
comme un règne de la fiction
inaboutie,
car toujours tenaillée par la
demande d’engagement dans le
présent du monde ; ce fut du
moins le cas pour le
dix-neuvième siècle, ce grand
siècle du roman et cela de Hugo
à Flaubert. Révolution sociale,
révolution verbale hantent la
prose et la poésie… qui
s’affirment donc comme savoir
questionnant de Flaubert à
Baudelaire, les espoirs
civilisateurs de la révolution
française, les espoirs de
l’alliance du peuple et de la
république évanouis dans la
répression sanglante de 1848.
Cet équilibre
entre quête du style et
impératif de la critique,
faisant de l’oeuvre littéraire
dans l’histoire française, un
savoir d’interrogation,
d’implication du sujet au monde,
c’est bien ce que l’on va
retrouver dans l’œuvre parolière
et musicale de la chanson. Les
chansons de geste permirent à un
monde oligarchique de se fonder
en légitimité, les chansons du
courant réaliste, naturaliste
puis néoréaliste permirent à des
voix populaires de se faire
entendre… Elles correspondent à
cette incrustation du politique
dans le littéraire de large
audience, à cette symbiose qui
commence avec Pierre-Jean
Béranger (1780-1857) inaugurant
le genre nouveau du
chansonnier engagé,
dans le fil des idéaux
républicains de 1789.
Béranger a opéré une fusion
entre plusieurs genres, ou
plusieurs styles chansonniers,
pour en créer un nouveau : la
chanson philosophique ou du
moins la chanson- méditation.
Jusqu’à lui, il existait la
chanson- chronique, la chanson
politique, attaquant ou
défendant un personnage ou
célébrant un événement, une
victoire…. la chanson bachique,
la romance élégiaque, mais on ne
connaissait pas un genre qui
consiste à perler à la fois
d’amour sur un fond politique,
ou de patriotisme sur un fond de
réflexion philosophique, sur la
vie, la société, les puissants,
les « bonnes gens » et le reste
écrit de façon très éclairante,
Claude Duneton.
On saisit bien comment un Jean
Baptiste Clément (1836-1903),
fils de meunier, successivement
commis d’architecte, garçon de
café, terrassier - celui dont le
temps des cerises (1866),
charmante pastorale, symbolisera
malgré tout la Commune - se
situe dans cette veine
méditative où combat politique,
description des peuples tant
urbains que ruraux
et onirisme des évocations
amoureuses
fusionnent en un même élan de
vie, de lutte,
d’écriture et de chant. Gaston
Couté lui aussi fils de meunier,
né quelque quarante années plus
tard, s’inscrit dans cette
lignée de parolier exigeant et
prolixe. Il est poète, il est
chansonnier ivre de rêve et qui
a tant à dire sur l’odeur du
buis, le son du glas,
les bourgeouésieaux,
la complainte des terr’neuvas,
les mangeux d’terre,
mais aussi sur la nostalgie des
baisers de sa mie,
mais aussi sur la Guerre
sociale, journal
protestataire antimilitariste,
pour lequel il déclina ses
rires, ses rages, ses invectives
en 52 chansons.
Au-delà de la chanson chronique,
au-delà de la chanson politique,
Charles Gilles, Gaston Couté,
Jules Jouy et d’autres
s’approprient le monde par le
savoir- dire, faire, penser
propre à la chanson. Dans la
chanson populaire, le débat
entre divertissement et
engagement
est né, ces passionnés de
peuples, d’actions et de paroles
vont fonder une poétique de la
chanson réaliste dont la chanson
française gardera, si ce n’est
l’empreinte ou le palimpseste,
au moins le fantôme.
A l‘instar de la littérature
française devenue classique,
celle du dix neuvième siècle et
celle de la première moitié du
vingtième siècle, la chanson de
la même période est liée à
l’utopie républicaine, aux
insurrections populaires, à la
mémoire ouvrière … à la
compréhension de la société
réelle. Ce n’est pas une affaire
d’intellectualisme ou
d’ethnocentrisme des lettrés que
d’affirmer qu’en France, il
existe pour la chanson, une
tradition de prévalence de la
signification, il s’agit de
traits historiques sans doute
partagés par d’autres pays
d’Europe, mais amplifiés
nationalement par l’ébranlement
révolutionnaire de 1789, les
bouillonnantes aspirations et
les contradictions hurlantes
portées au flambeau de la
trilogie : liberté, égalité,
fraternité.
La Grève de J- Clément,
illustration de Steinlen
In Jean
–Baptiste Clément,
Chansons du peuple,
op.cit.
|
« L’engagement
des mots », c’est aussi la
chanson envisagée du point de la
texture linguistique avec
laquelle nous faisons corps, du
point de vue de cette langue
dite assez justement
« maternelle » - qu’elle soit
langue de naissance ou langue de
lente acculturation – puisque
l’on souhaite alors désigner
l’enveloppe linguistique la plus
familièrement, la plus
primitivement attachée à notre
identité, à ses strates logiques
conscientes bien sûr, mais aussi
à ses strates imaginales
enfouies. Cette question rejoint
la manière d’envisager le
langage. Soit on le considère
que simple vecteur de
communication, comme médium
tranquille et froid, soit on le
considère comme
premier refrain ami, première
découverte acoustique de la vie
ambiante, comme expérience
esthétique augurale du monde,
celle qui réunit en nous, de
façon intime, sens et
sensorialité. Si l’on se place
dans une optique strictement
instrumentale, on affirmera que
l’on peut indifféremment chanter
en toute langue, si possible en
global english tout de
même, c'est-à-dire que l’on peut
laisser – sans perte symbolique
majeure ! – au grand nombre, le
loisir de chanter, d’entendre
chanter plutôt, en un code
d’échanges maigres et
stéréotypés : c’est le choix
opéré par la production et la
diffusion massives de la chanson
de variétés dite internationales
qui correspond en fait, à une
déréalisation des chansons, mais
avec proposition d’un leurre
langagier.
A contrario la
chanson populaire s’exprime
toujours en sa langue, celle de
sa mémoire affective, celle qui
conditionne tout accès à la
jouissance commune des pensées
qui dansent, des voix qui
exaltent sentiments, sensations
et récits. Comment
pourrais-je chanter des phrases
que je ne comprends pas, des
mots que je ne ressens pas ? Il
y a quelque chose en moi qui
vibre au son des mots familiers,
ceux qui sont profondément
incrustés au tréfonds de mon
être : des paroles apprises
quand j’étais enfant, qui ont la
signification de choses qui sont
intimement miennes, impossibles
à transmettre avec d’autres mots
… Ma langue, messieurs, c’est
l’espagnol.
C’est Carlos
Gardel, figure emblématique du
tango, de la mélodie argentine
des faubourgs qui s’exprime là
sur ce lien d’authenticité entre
chant et langue (l’espagnol est
sa langue d’adoption, celle de
l’exil qu’il vécut très jeune),
quand on lui proposa un jour de
chanter dans une autre langue …
Il dut le répéter de nombreuses
fois, avec la même vigueur, devant
les gérants froids des maisons
de disques, exclusivement
obsédés par la conquête de
nouveaux marchés, précise le
commentateur.
Il accepta de chanter en
français, cas particulier
puisque c’était la langue de
sa mère le berçant dans son
couffin…
Si je prends cet
exemple excentré par rapport à
mon propos, c’est pour mieux
insister sur le fait qu’en tout
lieu, et temps la chanson
populaire est (tendrait à être)
un dire inscrit dans une langue
de chair, d’âme et de cœur, et
qu’il s’agit donc là d’une sorte
de lien anthropologiquement
universalisable. La chanson
populaire se tient même au plus
près de sa langue vernaculaire-
variations patoisantes du
français du pays de Beauce pour
Gaston Couté, variations de
l’argot parisien d’atelier et de
rue pour Jules Jouy, variations
dérivées du verlan pour le rap
français des « banlieues ». Le
français y résonne et dans sa
forme classique stabilisée et
dans ses parlers vifs, ses
parlures linguistiquement et
socialement distinctes. Car la
langue des chansons parle de
notre rapport fondamental,
archaïque à la langue de
l’enfance, à sa poétique
souterraine et puissante. Aussi
ne sommes-nous pas étonné
d’entendre, chez ces
compositeurs populaires de
chanson française,
l’écho de la langue de culture,
celle de l’école, celle des
livres mais aussi l’écho de la
langue du jadis dirait
Pascal Quignard.
Pour Piaf par exemple, si
éloignée de l’écrit, de la
scolarisation même, la chanson
d’abord et toujours écho du
Jadis, sera également une entrée
dans la langue standard,
dans la langue comme condensé de
culture française.
Il est
intéressant dans ce fil,
d’écouter ce que dit, de ce
rapport de la langue - chanson,
une chanteuse de variété
internationale, mais chantant
aussi bien en anglais qu’en
français, et qui plus est
originaire du Québec où l’on
sait le poids de la langue dans
la revendication identitaire
et la part de la chanson dans la
défense linguistique. Il s’agit
de Céline Dion, interviewée lors
une rediffusion télévisuelle, en
Janvier 2007 : Quand je
performe …Je chante différemment
en français qu’en anglais. En
français c’est plus personnel,
c’est plus contenu. C’est la
langue qui coule dans mes
veines, la langue française est
belle, elle est forte, c’est une
langue de passion, il suffit de
la suivre. La musique
américaine elle vibre, on a
envie de lui donner plus. C’est
le sapin de Noël, le pâté
chinois, c’est toute l’étendue
de tes performances vocales que
tu montres. Tu mets à nu à
chaque fois. C’est une autre
passion. Ses propos ne sont
sans doute étrangers ni à sa
connaissance des tensions
linguistiques en son pays, ni à
son obligation de ménager tout
le monde, mais ils affichent
néanmoins publiquement comme
essentiel ce battement
pulsionnel du langage dans la
voix chantée, comme essentielle
cette synergie qui va de
l’ancrage linguistique à l’élan
vital de la chanson.
Pour un peuple
qui a mis la prise parole
politique et poétique mêlée au
centre de sa tradition
chansonnière, cette question de
la langue du chant est d’autant
plus fondamentale tant du côté
des créateurs que du côté des
récepteurs.
Reste à préciser
en ce qui concerne « cet
engagement des mots »,
que le syntagme de « chanson
française » que j’emploie
jusqu’à présent comme allant de
soi, est au contraire à
problématiser. Se pose en effet
la première question de la
genèse d’une telle désignation.
A considérer mon corpus de
petits et grands formats datant
principalement de la période de
l’entre-deux guerres,
l’expression de chanson
française est bien absente.
Une exception, l’intitulé de
chanson française populaire
imprimé à l’enseigne d’une
chanson de marin. Je trouve
d’autres désignations comme
celles-ci : les grands succès
de la T.S.F, chansons
parisiennes, les
nouveautés de telle ou telle
édition, les derniers succès de
Daniderff, de Lucienne Boyer…etc.
|
Autrement dit
même après la constitution des
catalogues, même après l’arrivée
de la radio, même en pleine
expansion de l’industrie du
disque, le qualificatif de
« française » n’est pas accolée
à la chanson de l’air du temps.
Nommer, c’est faire exister dans
le regard de l’Autre. Pour que
l’expression s’installe et ne
semble pas un pur pléonasme, il
faut sans doute que s’accentue
la concurrence internationale,
que les artistes français
exportent leur image et leur
répertoire, que l’Alliance
Française implantée dans les
différents pays d’Europe
développe son impact et ses
activités. Bref, il faut toutes
les médiations symboliques et
matérielles pour mettre cette
distance à soi qui vienne donner
mesure et valeur de sa
singularité. La création de
différents prix annuels du
disque viendra consacrer et le
fait et le terme. Notons
toutefois que le prix Vincent
Scotto, compositeur et mélodiste
par excellence de la première
moitié du vingtième siècle,
récompense officielle née en
1948 se propose d’honorer la
meilleure révélation de la
chanson populaire et non pas
française. L’usage semble
donc tarder à s’imposer dans le
langage courant. On le comprend
aisément, ce syntagme correspond
aussi à une perte d’immédiateté
et d’innocence, à une
appréciation de type
rétrospectif, à une relecture
peut-être déjà défensive. Nous
verrons ensuite quelques enjeux
révélés par les occurrences
actuelles de son emploi.
Le miroir auditif
Il y a donc dans
l’histoire française, un rôle
très important de la prise de
parole par la chanson. Mais on
peut alors s’interroger sur le
devenir à contre courant, de
cette part verbale du chant, sur
le devenir de cette circulation
aigue d’un sens commun qui est
(était ?) attaché à une telle
forme esthétique, dans une scène
auditive
nationale et mondiale de la
chanson, de la musique
générationnelle qui, depuis les
années soixante, a imposé
d’autres choix, celui du son ;
laissant à la voix, le seul
créneau de la performance,
manière de la réduire à une
chose technique, manière de la
neutraliser aussi en un produit
exportable et libre de toute
barrière langagière.
Dans la France de
1950, la chanson était un genre
déterminé par une poétique
orale. Dans la France de 1970,
elle est déterminée par la
musicalité instrumentale.
La couleur musicale du rock et
du pop, s’appuyant sur les
technologies avancées de
l’électrification, sur une
rythmicité binaire qui
s’impose comme la
pulsation cardiaque,
instaure un tout autre registre
d’expressivité de la voix
chantée. La part du verbal perd
de sa netteté, son impact
s’amenuise pour laisser au seul
beat, la charge de
signifier. Le sens n’est pas
gommé, il est délégué à la toute
puissance du rythme. Cette
déferlante de la primauté du
gimmick
et du rythme partant de la
planète rock, s’étendant à tout
le spectre des musiques
afro-américaines va reposer la
question du statut de la parole
audible dans le chant,
la question du statut du texte,
la question du dire, celle de la
langue commune, de la langue
identifiante au cœur du chanter
pour le grand nombre. Quelle que
soit la nouvelle importance
accordée à l’arrangement
musical, la chanson requiert un
équilibre relatif entre langue
verbale et langage préverbal
pour délivrer ses messages, pour
déployer le pouvoir propre que
le chant a de faire sens… Et cet
éternel retour du sens est bien
là dans les gammes innombrables
du chanter contemporain, il est
bien présent mais fortement
canalisé
par des logiques
fermées de stratification
sociale, enlevant à la chanson
son rôle de médium populaire
largement référentiel.
L’impact de la
parole signifiante des chansons,
du chanter, il est désormais
distribué entre les différents
labels du rap dit conscient, de
la dite chanson française, de la
dite nouvelle scène française et
des dites World music ou
musiques du monde.
En allant très vite on pourrait
dire : à chaque label, va la
gestion d’un registre filtré de
sens.
Au rap
conscient
va le sens ethnicisé d’une
dénonciation de l’ordre social
pour jeunes de banlieues issus
de l’immigration. On est là dans
l’expression énergique d’un
quotidien de blessure, de rage,
d’adolescence et de quartier ;
expression qui est parfois
aidée, encadrée par des
politiques locales volontaristes
en attente de thérapie
socialisante ou plus modestement
d’effet en retour sur
l’apprentissage scolaire de la
langue française, via la
pratique et l’écriture des
chansons. Notons que dans le rap
que ces jeunes chantent bien en
langue française, indice d’une
volonté de prise de parole
adressée à tous, notons qu’outre
les particularismes parfois
poussés de l’expression, le
rythme y ronge les mots, donnant
à la parole un curieux statut de
langage voilé et comme tel
peut-être désamorcé.
A la chanson
française est dévolue le
sens muséal de l’inactuel, la
gestion de la nostalgie et de la
consécration classique. Cette
patrimonialisation des artistes
et des chants tend à minimiser
toute véritable efficacité
symbolique de leur présente
réactualisation. Si le verbe du
rap posait la question de la
parole masquée, celui
solennellement admiré de la
chanson française
ne pose t-il pas celui de la
parole embaumée ?
Cette belle langue morte a ses
amateurs lettrés de premier
degré, ses touristes, ses
curieux, ses érudits de second
et troisième degré… Mais ceux
qui vibrent vraiment sur ce
chant de leur langue et qui
connaissent encore par cœur ces
chansons et les chantent, ne
sont-ils pas de ce peuple
nombreux, adulte, salarié,
urbain mais aussi rural, de ceux
dont il ne faut jamais parler et
pour qui ces chansons-là sont
encore langue vive, comme en
témoignent leur visages et leurs
investissements heureux dans des
pratiques et des lieux
improbables ? Je pense au Piano qui
chante
de Bernard Toubiana, au Gobe
Lune, aux Lucioles en
plein Ménilmontant.
Car c’est à la
dite nouvelle scène française
que revient la gestion
normalisée du sens de l’histoire
et de l’air du temps. S’il est
beaucoup de définitions de la
post ou de la néo-modernité et
sans entrer dans ces débats,
nous pouvons nous arrêter sur
l’idée qu’a minima, cette
notion désigne un retour au
sujet, à un sujet sans passé,
ayant troqué ses identifiants
structurels les plus
déterminants, les plus confirmés
pour des identifications
fugaces, à fleur de désirs et
d’instants à vivre. La
nouvelle scène française
nous offre entre autres, une
image de cet ethos à l’œuvre
dans le mouvement de
civilisation du monde. Que
peut-on y entendre à ne prendre
que quelques représentants
désormais les plus médiatisés
de cette mouvance chansonnière ?
Pour aller au plus récurrent et
au plus flagrant, disons qu’en
ces textes et modes
d’appréhension de l’art de
chanter, on constate :
- Une
désymbolisation de l’engagement,
qui est aussi affirmée comme
rupture avec ce qui les précède.
Bénabar en fait presque une
profession de foi tandis que
Benjamin Biolay préfère proposer
ce démarquage entre ironie et
dérision, avec une chanson
intitulée les lendemains qui
chantent dans son album
Négatif.
- Une
désymbolisation de la puissance
vocale. Elle avait bien sûr eu
déjà lieu sous autorité de
grands interprètes, mais elle
semble ici s’imposer à titre
presque militant.
- Une
désexuation de l’inflexion
vocale, contrastant avec
l’érotisation très sexuée des
voix que ce soit dans les
univers de la chanson française
ou dans les univers du rock.
- Une suggestion
à mi-voix d’une façon convenable
d’être au monde, selon un idéal
de maîtrise des sentiments. Tout
semble se situer dans un
registre d’économie
émotionnelle, faisant
irrémédiablement penser au
processus Eliasien de
civilisation. Même les ruptures
amoureuses sont modérées, elles
sont dédramatisées. Il y a une
indécence de l’engouement, une
peur du débordement qui se
disent en négatif et chez
Benjamin Biolay et chez Vincent
Delerm, pour ne prendre que ces
deux stars en leurs
premiers albums. Ce sont là les
chansons de l’homme qui assiste
au spectacle de sa vie,
privilégiant la distanciation et
le plan séquence. Nombre de
chansons s’écoutent comme on
feuillette un album
photographique ; nombre de
chansons sont là gravées comme
des instantanés de couleurs, de
lumières à peine entrevus. Je
pense à
La pénombre des Pays-Bas de
Benjamin Biolay.
Il existe bien
sûr une pluralité d’aspects de
cette nouvelle scène
quant à la division du travail
du sens via la chanson ; entre
autres caractéristiques, je
pense également à celle
consistant à limiter le
savoir questionner des
chansons à une stricte pratique
expérimentale et donc hors du
commun, ce qui définit un auteur
compositeur comme Dominique A.
par exemple.
Ce miroir auditif
de la société des chansons nous
livre ses éclats, et pose la
question de la perte langagière
dans les expériences esthétiques
transversales, ordinaires. Nous
comprenons que la chanson
réaliste, que les voix réalistes
et leurs mutations, que les
chansons de l’entre deux guerres
et celles de la libération
fondèrent la trame d’une geste
populaire. Devenue impossible ?
Correspondant au recul de la
chanson française sur la scène
internationale ? Pour quelle
jouissance asémique du musical
hors affiliation au groupe des
pairs, dans le pays du plein
sens des chansons ? Comment les
cultural studies,
devenues cadre théorique
référent de ces acteurs
générationnels de la pratique
musicale, interrogent-elles,
s’arrangent-elles avec cette
raréfaction, avec cette défaite
du poétique, communément
signifiant,dans la voix chantée
?
L’idéal
Parallèlement à
ce retrait relatif de la chanson
de sens dans le paysage musical
populaire, la notion de
« Chanson Française » reste une
catégorie esthétique, mêlant
idéal littéraire et idéal
politique. Ce n’est en effet pas
un hasard si l’on parle d’âge
d’or de la chanson française
dans les années cinquante, dans
l’immédiate après seconde guerre
mondiale. Durant l’occupation,
des poèmes sont mis en musique
(Brassens chante Paul Fort), des
poètes en résistance se
rapprochent des chansons, le
tragique saisissant de Piaf
porte la voix réaliste à son
acmé, le cabaret fait émerger
une nouvelle génération
d’auteurs compositeurs
interprètes dont Mouloudji est
l’une des premières figures…
tous ces styles d’inspiration
neuve ou de plus longue mémoire
convergent pour faire résonner
la chanson comme une véritable
poésie orale couramment
partagée, après les fractures de
la guerre, dans l’unité
nationale retrouvée. Précisons
que cette convergence correspond
également à un moment de
remarquable
institutionnalisation de la
chose puisque se met en place,
dans les années cinquante, une
grande politique volontariste de
démocratisation durant laquelle
l’établissement des MJC
notamment, sera bénéfique pour
le développement de l’art des
chansons. C’est l’ensemble de la
nation qui est porté à l’écoute
culturelle de ces chefs d’oeuvre
que ne relaient pas seulement l’Etat
mais aussi les mouvements
d’éducation populaire.
Deux remarques à
ce propos :
- Si l’on
constate, en cette période
historique que la chanson
franchit une limite, devient
l’équivalent d’une poésie orale,
autrement dit, si l’on constate
le non confinement de la chanson
commune dans le strict domaine
de l’entertainement, il
faut également souligner que la
chanson n’en devient pas pour
autant un genre intellectualiste
et qu’au contraire, durant les
trente Glorieuses, elle se
popularise. Brel, Brassens,
Béart, Ferrat… font partie du
paysage sonore et leurs dires
mélodiques égrenant hantises,
colères, blessures, désirs …
s’intègrent à un ethos collectif
de large amplitude sociale.
- Claude Duneton
propose de subsumer la chanson
sous la notion de poésie
maigre,
le terme est joli mais ne me
semble pas convenir et me semble
finalement receler une réserve
quelque peu condescendante, ce
qui peut étonner chez un auteur
réalisant de si passionnantes
recherches sur la chanson. Il
est vrai qu’il veut ainsi
souligner que la langue des
chansons ne s’apprécie que dans
leur bain musical, mais à trop
insister sur cet élément on
oublie que les mots ont leur
propre musique et que les
chansons ne sont pas à
considérer comme poésie plate
mais comme poésie pleine. A
lire, sans fredonner, Le
temps du tango de Ferré, par
exemple, tout le charme est déjà
là. Et je renverrai en écho aux
propos de Claude Duneton, ces
mots de Léo Ferré : Le graphisme,
c’est un peu la musique du
papier. Les lettres chantent dès
fois, et les yeux les prennent
dans la gorge. Tout se rejoint
dans cette mer jamais étale…d’où
nous remonte, peu à peu, cette
mémoire des étoiles.
Les chanteurs
comme les amours augmentent dans
nos vies la part de ce qui
chante.
Sans doute est-ce en cet âge
florissant, facilement
appropriable de la chanson
française se stylisant, se
sublimant que cette affirmation
fut la plus démocratiquement
vraie. Mais toute ascension a
son revers. C’est aussi dans le
fil de ce succès populaire de la
« bonne chanson » que la
séparation entre chanson à
textes (curieux vocable !) et
chanson tout court…d’abord fut
nommée, puis commença à se
préciser, à s’écrire…
Après cette
apogée de la chanson de sens,
après la fin des années
soixante, la chanson tend à
quitter les rives d’une poétique
commune pour explorer de
multiples voies : celle du
maintien d’une tradition épique
(Jacques Douai, Jacques Bertin)
celle de l’engagement (Jean
Ferrat, Anne Sylvestre, Michèle
Bernard…), celle de l’obsession
stylistique (Claude Nougaro,
partiellement Gainsbourg … ),
celle du dévoilement du négatif,
de l’absurde (Brigitte
Fontaine …), celle de la plus
troublante intériorité (Jacques
Bertin, Jean Vasca, Anne
Sylvestre…).
Les chansons à
textes, trouveront certes un
public, mais pas toujours un
peuple. L’invention de la
catégorie d’une chanson dite
à textes rompt l’équilibre
et le charme de tous ces tissés
de savoirs ordinaires des
chansons, elle renforce la
connivence lettrée entre
créateurs et récepteurs les
poussant plus ou moins
consciemment à raffiner leur
message à la stricte destination
de leur amateurs confirmés, tels
Juliette Noureddine, Julos
Beaucarne, Jacques Bertin dans
leurs derniers albums. Au risque
même de faire éclater la
forme-chanson pour aller vers un
chanter plus indéfinissable :
c’est Ferré dernière manière,
c’est Dominique A. dans Le
morceau caché, c’est
Bertin dans Le pouvoir du
chant. Le pacte poésie et
politique de la chanson
française est quasiment rompu
pour le grand nombre,
même si le désir peut en rester
latent. Mais si ce lien s’est
distendu, c’est aussi et surtout
que le show business va vite
réduire la chanson, à la gamme
obligée de la variété
standardisée et sans histoire.
Le temps de l’idéal
officiellement n’est plus ; et
comme pour la littérature,
si un semblant de culte
« chanson française » persiste,
la croyance pourtant, n’est plus
de mise, du moins ni dans les
mondes professionnels, ni dans
ce qu’en laissent percevoir
leurs échos médiatiques
contradictoires et confus.
Fallacies
Nous évoquions
précédemment le fait de ne pas
se satisfaire d’un usage non
problématique du syntagme
chanson française dont
l’apparition est difficile à
situer avec exactitude ; cette
qualification devenue évidente
n’ayant rien d’un pléonasme
comme cela peut être aisément
affirmé dans quelque anthologie
consacrée à ce genre musical.
Au-delà de la question de la
genèse de l’expression, restent
ses occurrences d’énonciation,
leurs connotations positives ou
négatives qui semblent aussi
bien liées à des circonstances
propres à l’histoire musicale
qu’à des lames de fond liées à
l’histoire sociétale.
L’hypothèse de
travail pourrait alors être
ramenée à une seule question :
Quand parle-t-on de chanson
française ? Quand cette
dernière fait-elle partie du
débat public ? En répondant à
cette question, nous aurions la
typologie des usages du syntagme
permettant d’en profiler une
lecture symptômale. Sans vouloir
me livrer à des relevés très
poussés, nous pouvons constater
que l’expression va resurgir
dans les années soixante ; son
usage est alors réactif,
polémique… il est le fait de
ceux, chanteurs, critiques,
diffuseurs, programmateurs de
chansons qui veulent résister au
phénomène des yéyés.
Trouvant un écho jusque dans les
milieux populaires cultivés, ce
débat est un combat portant haut
le flambeau d’une esthétique et
d’un savoir faire. Mais le
basculement total aura lieu dans
les années quatre-vingt, période
durant laquelle le mot sera
frappé de discrédit, la chose
soupçonnée de nationalisme,
d’être vecteur d’une
intellectualité dépassée ou d’un
« populisme » de mauvais aloi,
selon le répertoire incriminé.
L’usage du syntagme refera
doucement surface en modes moins
malveillants, dans les années
quatre-vingt dix, car il s’agit
là de revenir à l’affirmation
non pas d’une esthétique, mais à
l’affirmation d’un label de
qualité sur le marché
international. Label de
classicisme entrant dans les
logiques de recensement du
patrimoine immatériel, d’un
côté. Label de jeunisme de
l’autre, pour une ainsi nommée
nouvelle chanson française
dont on prend bien soin de
resserrer l’histoire, d’en faire
remonter les inspirations, les
références au mieux … au pire
(devrais-je dire !) à la
génération précédente. Quant à
l’usage très immédiat, quant au
retour sensible du vocable
chanson française, qui n’est
plus déclarée nouvelle
d’ailleurs, il manifeste encore
une autre logique de
désignation. On est passé du
label de désignation d’une
qualité à un affichage
d’inventaire « range-tout » sous
prétexte culturel d’éclectisme
de la variété nationale. Nous
retombons de fait sur un usage
disqualifiant qui se masque à
peine, chanson française
y signifie finalement chanson
d’artistes locaux plus
disponibles et moins onéreux…
Ace titre mieux vaut Anaïs,
Jeanne Sherhal ou Raphaël que
Maria Carey !
Dans ce jeu de
dupes, la définition de la
chanson française est passée
de la conscience des récepteurs
et des créateurs à la parole
exclusive des médiateurs dont
l’argumentaire mâtiné d’un rejet
idéologique du national, se
réduit à une logique économique
simplifiée, qui plus est de très
court terme.
Photo composition à
partir
de La bouche de la
vérité (Rome)
|
|
Pour sauter le
pas, pour aller au succès,
l’artiste doit
franchir un seuil de
vitrification
de soi-même en
personnage,
et vendre son
authenticité. Or un artiste doit
vivre,
être authentique
jusqu’au bout et refuser d’être
spectacularisé sinon à se
condamner à la tricherie et à la
mort.
Jacques Bertin,
interview in Revue Esprit, op.cit.
|
________________________
En
Novembre 2006, à une
heure de grande écoute
Le 3
Janvier 2007, puis le 5
Février 2007
Film
d’Olivier Dahan qui fut
projeté en
avant-première mondiale
le 8 février pour
l'ouverture du 57ème
festival du film de
Berlin. Le film,
présenté en Allemagne
sous le titre "La Vie en
rose", fut en
compétition pour l'Ours
d'Or. LCI. Info
annonçait l’événement
sous le titre Edith Piaf
ouvre Berlin. La bande
annoce du film, sa bande
musicale, un synopsis
photos sont déjà sur
internet.
Pierre
Legendre, De la
société comme texte,
linéaments d’une
anthropologie dogmatique,
Fayard, 2001
En
horizon général
d’attentes
(Douglas, 1992, Paris,
La découverte) confirmé
par le temps long d’une
telle priorité, la
portée
trans-générationnelle
des grandes chansons
-cultes, les témoignages
aléatoires d’enquêtés
disant d’abord aimer le
sens des chansons, en
être émus.
Hégémonie
du rythme et effacement
du verbe concourt à la
diffusion sans frontière
de ces produits musicaux
levant à leur manière
l’obstacle de Babel
Réflexivité prise au
sens premier de
stimulation de l’image
de soi, première
médiation d’une
image du monde
(Legendre, op.cit.)
Resterait
à classer aussi dans
cette division du
travail sémantique,
l’apport des musiques
traditionnelles et
musiques du monde mais
qui, elles, ne relèvent
que rarement de la
langue et de la culture
françaises.
Privilégiant
résolument le texte qui,
en l’occurrence,
détermine la composition
musicale, à la
différence de la planète
Rock qui se veut d’abord
son et rythme.
Au-delà
de l’exception et du
vedettariat de Brel, la
chanson belge
francophone (langue
minoritaire en Belgique)
en raison de la
proximité géographique
également, se vit comme
chanson française.
Le
site consacré à l’étude
de la chanson réaliste
http://www.chanson-realiste.com
est
l’occasion pour moi de
découvrir l’intensité de
cette création sans
grand relais de
résonance. Dernier
exemple en date de
janvier 2007 Cataline,
chanteur compositeur
offrant sur son site le
téléchargement légal et
gratuit de certaines de
ces chansons qu’il
enregistre lui-même.
Claudio Zaretti, je sais
d’où je viens, paroles
et musique, guitare
Bernado Claus, piano et
basse Michel Melcer,
automne 2005
Mort en 1999 sans le
moindre hommage. Ses
disques sont
introuvables, mais un CD
intitulé l’homme de
brive est diffusé par
Velen depuis Novembre
2006.
Passé au
label disques Velen,
société d’auto
production et diffusion
Homme de boue
cité en dédicace de
l’article
Carnet de bord, Le Chant
du monde 274 1152, 2003
Ce qu’elle fut sans
doute dès ses origines,
mais de façon
inévitablement plus
nourrie culturellement,
en raison de la place
autrefois occupée par le
genre chanson,
désormais reléguée à un
rang modeste par les
lois internationales du
commerce des produits
musicaux.
Nino
Ferrer est passé d’une
désignation à l’autre ;
on ne saurait pas étonné
d’y voir passé
maintenant quelqu’un
comme Johnny Halliday ou
même Sheila, déjà
présentés comme tels
lors d’émissions
télévisées de variétés à
forte audience. A
contrario, Georges
Chelon, oublié des
plateaux TV, est classé
comme chanteur de
variétés. Que dire de
Leny Escudero ?
Dernier
épisode en date «Joey
Star(r), star du rap,
moins virulent mais
toujours aussi
revendicateur, délaisse
à 39 ans et huit ans
après la séparation de
son groupe NTM sa
réputation de bad boy
pour se tourner vers les
grands classiques de la
chanson française :
Georges Brassens et
Georges Moustaki, dont
il adapte Le
Métèque » annonce sans se poser de
question le magazine d’Lci.info
de janvier 2007, sous le
titre tonitruant de Joey Starr reprend
les succès de la chanson
française.
Attitude
disciplinairement
réprouvée, mais reste
que … le roi est nu et
que tout choix de
chercheur en sciences
sociales porte bien
trace de ses propres
valeurs quoiqu’il fasse
pour se le cacher ou/et
pour le dissimuler à ses
pairs, à ses critiques.
Paul
Garapon , in Métamorphoses de la
chanson française,
Esprit, Juillet 1999
Verbe
latin signifiant tisser,
tresser mais aussi
composer, construire et
au figuré raconter. D’où
vient le mot texte
incluant donc l’image de
la toile, langage
silencieux de maintes
tissures.
Titre
du livre d’Eustache
Deschamps (xv°), L’Art de dictier et de
fere chançon, cité
in Anthologie poétique
française du Moyen âge,
Garnier- Flammarion,
1967
D’autres
catégories ont, quant à
elles, disparu. C’est le
cas de la chanson
courtoise, de la
pastourelle, du motet …
Dites
laisses, mais le
mot n’a plus cours
A
la fin du quinzième
siècle, époque la plus
spectaculaire de la
littérature du moyen
âge, la versification
complexifiée conduit à
une poésie savante
tendant à se séparer de
la musique.
Cf.
Anthologie poétique
française du Moyen âge,
Garnier- Flammarion,
1967
Selon l’ouvrage de
Martin Pénel, cette
chanson fut de 1903
à1998, interprétée par
au moins 35 chanteurs
dont Yvette Guilbert,
Edith Piaf, Cora
Vaucaire, Colette
Renard…
Je fais
bien sûr référence au
projet de Jacques Bertin
intitulé Projet pour
le répertoire,
incluant entre autres,
collecte, recherches sur
le répertoire et
ateliers de chansons
ouverts aux publics. Ce
projet très abouti peut
être consulté sur le
site http://velen.chez-alice.fr Mais
outre cette référence
notoire, ce souhait
exigeant et un peu
désespéré, je l’ai aussi
rencontré chez des
amateurs de chansons,
des collectionneurs
fervents, rencontrés
lors de mes recherches.
Cité par Claude Duneton,
Histoire de la
chanson française,
tome 2, Seuil, 1998
Claude Duneton, op.cit.
Cité par Pierre Lepape,
Le pays de la
littérature, Des
serments de Srasbourg à
l’enterrement de Sartre,
Seuil, 2003
In Pierre Lepape, op.
cit.
Date du
recueil d’articles de
Champfleury, dès 1847il
y a une utilisation
courante du terme par le
critique. Le cénacle
réaliste autour de
Courbet date de 1850.
Il
est l’auteur de quelques
3000 chansons ; on
connaît La Pierreuse,
La Soularde, La Veuve,
La Guillotine et filles
d’ouvriers, chantés par
de nombreux interprètes
dont Yvette Guilbert,
Damia pour le passé,
Michèle Bernard pour la
période actuelle.
Patrick Biau, Jules
Jouy, le poète
chourineur,
auto-édition, 2000
Maurice Donnay, Autour du chat noir,
Grasset, 1926
Richelieu via la
constitution de
l’Académie, établit la
naissance sociale de
l’écrivain
La
question des rapports
entre Poésie, musique et
chanson fut le thème des
journées d’études
organisées en mars 2006
par Brigitte
Buffard-Moret à
l’université d’Artois où
nous avions
Jacky Réault et moi-même
proposé, trop tard
hélas, deux
communications sur
Jacques Bertin, Faut-il être fou ?
L’une sur la dimension
lyrique, l’autre sur la
dimension épique de son
chant.
Jacques Bertin,
Reviens, Draïssi !
Ecrits sur la chanson,
Editions Le Condottière,
2006
Pierre Legendre, op.cit.
Terme de Pierre Legendre
Pierre Lepape, op.cit.
Pierre Le Pape, op.cit.
Rabelais
contre la glose,
Malherbe contre la
Pléiade, Hugo en révolte
contre la tradition
classique, critique du
dévoiement romantique
de la langue par
Flaubert, Proust d’abord
boudé par l’austère
esthétique de la
NRF, unanimité de
tous les camps
constitués depuis 1918
contre la parole
Célinienne du Voyage
au bout de la nuit, pour ne prendre que
quelques exemples
illustres. Les
expressions en italiques
sont extraites de
l’ouvrage de Pierre
Lepape.
Cette police des
écrivains et des écrits
fut aussi paradoxalement
leur protection ;
A la différence de la
littérature hispanique
par exemple.
Expression de Claude
Duneton, op.cit.
Paysan ! Paysan !,
L’angélus ( 1884)
Jean
–Baptiste Clément, Chansons du peuple,
présentés par Roger
Bordier, éd. Le temps
des cerises, 2003
La semaine sanglante
(1871)
Paroles
extraites de la
chanson, Les moulins
morts de Gaston
Couté
Paroles extraites de la
chanson, Automobilisme de
Gaston Couté
Titre de la chanson de
Gaston Couté
Petit Poucet,
Gaston Couté
Aristide Bruant dont
l’hagiographie répète
inlassablement qu’il
a donné ses lettres de
noblesse à la chanson populaire,
se ralliera
paradoxalement ( ?) aux
défenseurs du
divertissement
Antonio Pau, Tango,
musique et poésie,
édition Christian Pirot,
2006 page 173
Antonio Pau, op.cit
Antonio Pau, op.cit
Le cas de l’argot de
Bruant dit argot des
truands, collecté auprès
des services de polices,
est tout différent
puisqu’il s’agit là d’un
complet artifice, d’une
langue qui lui est
totalement extérieure et
dont il use à des fins
tendanciellement
démagogique. D’autres
l’avaient d’ailleurs
précédés en cette voie.
Pascal Quignard, Sur
le jadis, Grasset
Sur ce point comparatif
de la chanson québécoise
et française
contemporaine cf la
récente thèse de Cécile
Prévost-Thomas, Dialectiques et
fonctions symboliques de
la chanson francophone
contemporaine,
Université Paris X-
Nanterre, sous la
direction d’Anne- Marie
Green
Terme emprunté à Albert
Bregman in Auditoty
scene analysis.
Paul Garapon, article
déjà cité
Ibidem
Désigne l’arrangement
musical
Nous retrouvons le même
problème pour le théâtre
d’où la parole s’est
curieusement et
partiellement effacée au
profit d’effets
spectaculaires plus
aisément exportables
Dont
il ne sera pas ici
question, car elle
demanderait un
traitement spécifique
abordant entre autres,
le problème du rapport à
l’exotisme et à
l’ailleurs dans la
société contemporaine.
Terme indigène, servant
désormais à se démarquer
d’un rap des plus
mercantilisé prônant
l’ordre libéral en tous
ses excès.
Des
cas exemplaires de
mutation du rock à la chanson française
comme Kent, comme Thomas
Fersen ne semblent pas
inverser la tendance
majeure d’un tel
mouvement.
Un très récent usage
fourre-tout du vocable
chanson française ( le
monde du 7 février
2007), voulant sans
doute aller à
contre-pied de cette
vision, ne fait
qu’ajouter un peu plus
de confusion au
registre de cette
appellation décriée et
encensée.
Le
piano qui chante,
mémoire vive de la
chanson française,
www.pianoquichante.com
Il
est désormais considéré
comme inadmissible du
point de vue des classes
culturelles de parler de
nouvelle chanson
française, terme
pourtant consacré
pendant bien longtemps
par ces mêmes acteurs.
Je
ne me réfère là qu’à
trois et surtout deux
artistes masculins
(Benjamin Biolay,
Vincent Delerm) de cette
nouvelle scène. Les
hypothèses ici avancées
sont donc à relativiser,
bien que prises comme
indicatrices d’une
tendance. Benjamin
Biolay offre la
particularité d’avoir
composé pour de nombreux
artistes interprètes,
son statut d’auteur
compositeur en est donc
d’autant plus
référentiel. Vincent
Delerm, quant à lui, est
vite apparu comme
emblème de cette lignée
de compositeurs. Prendre
des artistes féminines
comme Jeanne Sherhal,
Pauline Croze par
exemple auraient quelque
peu modifié le tableau.
Benjamin Biolay, La
pénombre des Pays-Bas
in album Négatif,
déjà cité
Dominique A. : à la
limite, Micchaël
Foessel, in Esprit, la
chanson, version
française, Juillet 1999
Fabien
Hein dans sa thèse sur
Le monde du rock en
Lorraine insiste
bien dans l’analyse
d’entretiens très riches
d’amateurs de rock, sur
cette relégation des
paroles dans l’émotion.
Claude
Duneton, in Cent ans de
chansons française,
Bertrand Bonnieux,
Pascal Cordereix,
Elisabeth Giuliani,
Gallimard, 2004 :
Les
textes des bonnes
chansons se distinguent
des poèmes littéraires
en ce qu’ils sont
généralement maigres
Cf texte de Jacky Réault,
Comme un messager des
lointains, in
Florilèges sur un site
personnel http://www.sociologies.com
Allain Leprest qui reste
dans cette tonalité que
l’on dit chanteur
réaliste et se
rattachant à cette
histoire longue de la
chanson populaire, poème
plébéien engagé, passe
peu sur les ondes.
Pierre Lepape, op.cit.
Chanson française :
presque un pléonasme
tant le mot chanson
évoque, même pour les
non francophones, un
style artistique lié à
l’Histoire et à la
culture de la France
extrait in http://www.universalmusic.fr
Dixit fin de l’article
du Monde du 5
Février 2007
Joëlle DENIOT
Professeur de Sociologie à l'Université de Nantes,
membre nommée du CNU.
Droits de
reproduction et de diffusion réservés ©
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